Le lièvre et la tortue

par Phil Waknell

Vous avez sans doute déjà entendu parler de la fable du lièvre et de la tortue : le lièvre qui court vite et qui est si sûr de pouvoir distancer la tortue qu’il fait une sieste et finit par se faire battre sur la ligne d’arrivée par la lente mais régulière et fiable tortue.

Lorsqu’il s’agit de prise de parole, faire une sieste est quelque chose que vous voudrez peut-être faire avant de parler, mais j’espère que personne ne fera la sieste pendant votre présentation.

On peut cependant imaginer deux sortes d’orateurs.

Le lièvre serait l’orateur pressé d’en finir avec son discours, parlant rapidement comme s’il avait un rendez-vous urgent avec la salle de repos la plus proche ou simplement comme s’il craignait de ne pas avoir assez de temps pour débiter tout ce qu’il a à dire.

Le lièvre est à l’image d’un adolescent typique : s’il a un besoin existentiel d’une connexion Internet rapide à tout moment, il ne semble pas avoir besoin d’oxygène. Les jeunes, comme les présentateurs « lièvres », parlent comme s’il s’agissait d’une compétition visant à prononcer le plus de mots possible par minute, sans laisser de pauses que d’autres personnes pourraient utiliser pour interrompre leur flux, respirer, ou peut-être même digérer leurs messages.

Bref, le lièvre parle le plus vite possible, trahissant un manque de confiance dans sa capacité à gérer le temps, et une apparente envie de terminer sa présentation et de quitter la scène au plus vite.

La tortue, quant à elle, prendra son temps, parlant lentement, prudemment, délibérément et donnant à chaque mot la puissance qu’il mérite. Imaginez que chaque mot soit le bruit sourd d’un pas de tortue méticuleusement planifié, plutôt que le léger pas d’un lièvre rapide. Les mots de la tortue frappent plus fort, transmettant non seulement les syllabes de chaque mot mais aussi l’émotion et le sens qui les accompagnent. L’auditoire a plus de temps pour réfléchir aux messages de la tortue, réfléchir à ce qu’ils signifient et pour les digérer.

Bien sûr, si la tortue est trop lente, elle ne gagnera jamais la course, et si un orateur « tortue » est tout simplement trop lent tout le temps, il perdra l’attention de l‘auditoire. Mais la plupart des orateurs gagneraient énormément à ressembler davantage à la tortue qu’au lièvre. Donnez à l’auditoire la chance de digérer ce que vous dites et il sera plus susceptible de faire ce que vous voulez qu’il fasse.

De plus, ils seront plus susceptibles de vous percevoir comme un leader confiant. Assez confiant pour ne pas craindre d’être interrompu lorsque vous laissez une pause pour que l‘auditoire puisse respirer, réfléchir et anticiper. Assez confiant pour ne pas manquer de temps, car vous êtes bien préparé. Et suffisamment en confiance pour prendre votre temps sur scène, savourer l’instant présent et être à l’aise avec le regard de tous.

C’est le genre d’orateur que les gens respecteront, écouteront et suivront.

Alors ne soyez pas le lièvre : soyez plutôt la tortue, et vous serez sûr de conquérir votre auditoire.