Il y a quelques semaines, j’ai organisé une formation au cours de laquelle nous avons abordé divers sujets et notamment les problèmes auxquels sont confrontées les femmes au travail. Ce sujet, qui constitue un problème récurrent pour les femmes, renvoie à la théorie de la double contrainte. C’est un problème complexe auquel sont confrontées les femmes lorsqu’elles communiquent au travail, car il évoque un dilemme : elles doivent choisir entre faire preuve de sympathie ou de compétence. Ou comme cela a été dit par les participants à la formation : suis-je supposée agir avec douceur ou comme une garce ?
Tout d’abord, examinons un peu ce que signifie la théorie de la double contrainte. Il y a deux significations, pour autant que je sache.
La première est qu’une double contrainte est une construction psychologique qui limite la capacité des gens à prendre des décisions, limitant ainsi leur capacité à entreprendre n’importe quel type d’action. Généralement parce que la décision est très difficile, voire accablante. Une autre façon de présenter les choses est une situation sans issue dans laquelle vous êtes paralysé entre le marteau et l’enclume. Donc, vous êtes condamné si vous agissez et condamné si vous n’agissez pas, vous êtes dans une double contrainte.
Pour donner un exemple : imaginez que vous souhaitiez mettre fin à une relation parce qu’elle n’est pas satisfaisante, mais la peur d’en chercher une nouvelle et de vous lancer dans l’inconnu vous empêche d’agir. Vous êtes coincé entre l’insatisfaction et l’inconnu, vous restez dans le statu quo et ne faites rien en choisissant ce qui pourrait être assimilé au moindre mal. Une double contrainte.
Ce type de scénario nécessite une réflexion approfondie, et vous feriez peut-être bien de vous entourer de personnes qui vous soutiendront et de structurer un plan d’étapes réalisables pour vous aider à prendre une décision difficile. Il faut un plan de bataille, pas du flou.
Le deuxième niveau de signification de la double contrainte concerne la communication, en particulier dans les relations (à la fois personnelles et professionnelles). Une double contrainte fait donc référence à un ensemble de messages contradictoires provenant d’un supérieur, d’un personnel soignant ou d’un partenaire. Cela vient de la théorie du spécialiste des sciences sociales Gregory Bateson selon laquelle la schizophrénie est causée par des messages confus et contradictoires de parents narcissiques/perfectionnistes. Ainsi, même si les paroles des parents peuvent être encourageantes, si leur comportement est inverse, l’enfant est dans un état constant de confusion. Lorsqu’un enfant n’arrive jamais à faire les choses correctement, quoi qu’il fasse, cela nuit gravement à son développement.
Imaginons un exemple dans un contexte professionnel : un supérieur peut avoir donné l’impression à un subordonné que le délai n’était pas important, alors celui-ci est dépassé, et d’un coup c’est l’enfer parce que le délai n’a pas été respecté. Ensuite, le coupable a l’impression d’avoir été attiré dans un piège ou il se sent mal parce qu’il aurait dû d’une manière ou d’une autre anticiper ou mieux lire la situation. La communication n’était pas claire. À qui la faute ?
Appliquons donc cela au rôle que les femmes dirigeantes estiment devoir jouer au travail. Il existe d’un côté une tendance selon laquelle les femmes paraissent accessibles, non assertives et empathiques (parce que c’est historiquement ce que l’on attend d’elles), et de l’autre côté il existe une tendance selon laquelle les femmes ressentent le besoin de s’affirmer davantage pour obtenir un résultat significatif, une réaction ou une satisfaction au travail. Quoi qu’il en soit, les griffes des critiques sont de sortie : soit la femme est trop gentille, soit elle est trop affirmée donc il est très difficile de marcher sur la corde raide entre ces pièges.
Donc, à mon avis, le problème ici n’est pas la façon dont une femme devrait choisir de se comporter mais la culture à laquelle elle appartient. Si la culture regorge de stéréotypes et d’hypothèses erronées sur la façon dont une femme devrait se comporter, en particulier lorsqu’elle accède à des postes de direction, alors l’éducation doit être introduite pour changer doucement cette culture. Je vois également le problème du perfectionnisme projeté par certains collègues et supérieurs qui engendre des scénarios sans issue. Si nous sommes soumis à des normes impossibles, il n’est pas étonnant que nous soyons condamnés quand nous agissons et condamnés quand nous n’agissons pas.
Ainsi, la double contrainte, qui s’étend à toutes les relations, quel que soit le genre, dans toute sa complexité, semble être à l’origine de toute confusion et de toute indécision. Qu’il s’agisse de situations sans issue ou d’une communication confuse, la solution est complexe mais implique une réévaluation des hypothèses, des relations, la fixation de limites et le signalement d’une mauvaise communication lorsqu’elle survient afin de sauvegarder notre santé mentale et celle de tous.
Nous devons nous sentir en sécurité lorsque nous prenons les décisions qui nous conviennent et assumer l’identité que nous avons choisi pour nous-mêmes. Nous ne pouvons pas changer l’opinion des autres à notre sujet, mais nous pouvons accepter nos choix car c’est le droit de chacun d’être soi-même authentique.