Hier, le Président de la République française, Emmanuel Macron, a répondu en direct aux questions d’un auditoire de 2 000 entrepreneurs et investisseurs à Station F, plaque tournante incontestée de la communauté des start-up françaises.
Ideas on Stage travaille depuis des années avec l’écosystème French Tech dont suivons l’essor avec enthousiasme, grâce à sa nouvelle Directrice Kat Borlongan. Nous avons aidé des milliers de start-up à créer leur pitch, et nous avons des partenariats avec de nombreux accélérateurs dont ShareIT.io, implanté à Station F. Si vous n’étiez pas à Station F, vous pouvez regarder le replay sur Facebook LIVE ici. Ce n’est pas surprenant de voir Macron soutenir la French Tech : il a souvent assisté aux événements high-tech et même au CES alors qu’il était ministre de l’Économie. Mais prendre des questions en direct, le jour où son gouvernement était sous le feu des projecteurs avec le temps pris par le remaniement ministériel, était pour le moins courageux.
La plupart des politiciens auraient veillé à ce que des questions soient « suggérées à l’avance » ou auraient tout simplement rassemblé une liste de questions préparées et les auraient abordées une à une. Macron n’a fait ni l’un ni l’autre. Les personnes qui posaient les questions ont été choisies — au hasard, je le confirme — parmi une mer de mains levées par Kat Borlongan, et non par Macron.
Je ne vais pas commenter la politique du Président ou la qualité de ses réponses, j’essaie toujours de rester en dehors de la politique. Mais je vais aborder trois leçons importantes que l’on peut tirer de ce que Macron a fait de bien, et deux autres de ce qu’il pourrait encore améliorer.
1. L’improvisation se prépare Si Macron était capable d’écouter des questions non préparées et semblait parfaitement à l’aise en y répondant — sur des sujets aussi variés que diversité, antitrust, Ed-Tech, visas et même pesticides — c’est parce qu’il avait été extrêmement bien briefé. Macron savait, au moment de monter sur scène, qu’il devrait traiter d’une grande variété de sujets. À aucun moment il n’a semblé perdu ou à court de réponses, et il n’a évité aucune question, contrairement à ce que les politiciens ont tendance à faire. Que vous soyez d’accord avec sa politique ou non, il est très bien informé. Mais il a surtout conscience que si l’on veut improviser, il faut d’abord bien se préparer.
Les présentateurs pensent souvent qu’ils ont uniquement le choix entre soit de se préparer très bien, soit complètement improviser. C’est faux. Macron a donné un bel exemple de la force d’une préparation qui vous permet d’improviser.
La préparation est toujours ce qui fait la différence entre une communication faible et forte. Que vous soyez en train d’apprendre un discours ou de préparer une séance de questions-réponses, on peut détourner légèrement les mots célèbres de Benjamin Franklin : « Ratez votre préparation, ratez votre présentation. »
2. Oser surprendre
Une question a été applaudie, car elle a suscité l’intérêt de nombreux entrepreneurs dans l’auditoire. L’auteur de la question a expliqué qu’il trouvait difficile de recruter des employés en raison des charges sociales très élevées imposées aux employeurs, ce qui signifie qu’en France, un employé coûte beaucoup plus à son employeur que son simple salaire. « Mon ennemi, c’est l’URSSAF » disait-il, en référence à l’organisme de sécurité sociale. Macron a pris un moment pour réfléchir à cette déclaration et aux applaudissements compréhensifs du public et a répondu : « Votre ami, c’est L’URSSAF. »
Il aurait été très facile de compatir, puis d’expliquer ce que fait son gouvernement pour réduire les charges sociales et les dépenses de l’État, mais Macron a choisi une approche audacieuse. Il a choisi de dire le contraire de ce que croyaient la plupart des entrepreneurs de la salle. Immédiatement, l’auditoire a eu une déclaration-choc, digne d’être partagée sur Twitter, et qui a retenu l’attention de tous.
Il a ensuite défendu le modèle social français et l’importance de la sécurité sociale, tout en affirmant par la suite qu’ils travaillaient à réduire les charges sociales et à faciliter l’embauche. Mais cela n’aurait pas été aussi puissant sans son audacieuse déclaration controversée dont tout le monde se souviendra facilement pendant des jours et des semaines.
Osez surprendre votre public. Ils vont dresser l’oreille et faire attention – et c’est la moitié de la bataille gagnée pour n’importe quel orateur.
3. Souriez et le public vous sourira
Une amélioration que j’ai constatée dans le comportement de Macron au fil des ans est son sourire. Alors que son prédécesseur, François Hollande, s’efforçait en vain d’avoir une posture de Président, et essayait donc toujours de paraître sérieux et grave, Macron semble croire en ses idées et sa politique et il est désormais visiblement positif quand il les explique. Le sourire est important pour deux raisons. Premièrement, lorsque nous sourions, cela s’entend. Nos mots sont plus positifs, plus attrayants et moins ennuyeux. Essayez d’écouter lors de votre prochain appel téléphonique : vous pourrez facilement détecter si votre correspondant sourit. La deuxième raison est que nous avons tous des neurones miroirs qui perçoivent et reproduisent inconsciemment les émotions que nous percevons chez les autres. Si vous voyez un orateur qui semble négatif, démotivé ou même qui s’ennuie, vous éprouverez les mêmes sentiments. Si toutefois vous voyez un orateur qui est positif, qui parle avec passion, qui croit clairement en ce qu’il dit, vous ressentirez plus facilement la même chose.
Macron a semblé apprécier l’échange hier. Il semblait positif dans l’explication de sa politique. Cela a permis au public de se sentir tout aussi positif.
Voilà donc trois leçons importantes que tout orateur peut tirer de l’échange d’hier avec Emmanuel Macron. En voici deux autres où il peut encore s’améliorer.
**4. Les réponses courtes sont plus fortes**
Dans une séance où il y a potentiellement des centaines de questions, répondre à une poignée d’entre elles laissera beaucoup de gens déçus et de nombreux sujets ne seront pas abordés. C’est peut-être plus facile pour l’orateur, mais ce n’est pas idéal pour l’auditoire. Alors que le discours initial de Macron était remarquablement court, ses réponses à la plupart des questions furent très longues. Il a essayé de se rattraper en restant plus longtemps que prévu et en répondant à quatre questions à la fin, alors que Kat avait dit qu’il ne restait de temps que pour une seule question. Mais l’échange aurait été beaucoup plus dynamique, intéressant et fructueux s’il avait pris deux fois plus de questions, et répondu à chacune en deux fois moins de temps.
Lorsque vous donnez une longue réponse, les gens risquent d’oublier la question, ou le début de votre réponse, lorsque vous arrivez à la fin. En outre, souvent une grande partie du public ne s’intéresse pas à la réponse à certaines questions. Il est donc sage de ne pas prendre trop de temps à moins que la réponse ne présente un intérêt clair pour tout le monde. Par exemple, hier, la première question portait sur EdTech, une « niche » importante, mais une niche néanmoins, et après quelques minutes, quiconque ne se trouvant pas dans ce domaine pointu se demandait quand Macron finirait et passerait à un sujet qui les intéressait davantage.
Essayez de limiter vos réponses à deux minutes tout au plus. Si vous vous fixez cette limite, vous serez étonné de ce que vous pourrez dire pendant ces deux minutes. Ce sera plus efficace qu’une réponse complète de cinq minutes.
5. Terminez en beauté
Beaucoup d’orateurs ne prêtent pas attention à la fin de leur discours ni à la fin de leurs phrases. Hier, Macron était capable de parler clairement et de manière cohérente pendant plusieurs minutes, mais à la fin de certaines réponses, il semblait manquer de mots, ou à bout de souffle, et du coup ces dernières phrases manquaient d’énergie. À deux reprises, le public a senti qu’il avait terminé ou avait du mal à terminer sa phrase, et a applaudi alors qu’il tentait encore de trouver les bons mots. À d’autres occasions, il était évident qu’il pensait déjà à la phrase suivante et il perdait de l’énergie à la fin de sa phrase en cours, trop pressé de commencer la suivante. C’est un des problèmes que je rencontre assez souvent lorsque j’aide des conférenciers. Malheureusement, cette façon décevante de terminer sa phrase a également eu lieu à la toute fin lorsque Macron a lancé un appel à l’action aux entrepreneurs présents. C’était une excellente façon de terminer, mais malheureusement la dernière phrase s’est estompée et s’est terminée par des applaudissements, au début incertains, ponctués d’un « Voilà ! » légèrement embarrassé du Président.
Pensez à une phrase comme à une allumette à deux têtes. Elle devrait commencer avec énergie, comme la tête d’une allumette qui s’enflamme. Elle devrait continuer à brûler, en veillant à ce que personne ne décroche. Mais à la fin, alors qu’une banale allumette cesse juste de brûler tout comme de nombreuses phrases s’éteignent lentement dans le silence, une bonne phrase se termine avec énergie, comme une allumette qui se consume, se rallume à son extrémité et se termine avec panache. Cette analogie s’applique d’ailleurs à n’importe quelle présentation : commencez avec force et terminez en beauté.
Macron gagnerait à soigner ses conclusions. Tout orateur peut gagner en impact et en crédibilité en s’assurant de bien terminer chaque phrase — en particulier les phrases de conclusion — de manière claire et puissante. Même en improvisant, il est possible de conclure chaque phrase avec force, et si vous avez tout bien préparé, vous aurez déjà plusieurs conclusions possibles que vous pourrez utiliser pour vous assurer une salve d’applaudissements.
Emmanuel Macron est un communicant qui dégage puissance et confiance. Bien qu’il ne soit pas encore parfait, il s’améliore. Cela en soi devrait être une leçon pour nous tous : chaque orateur, aussi bon soit-il, a le potentiel de développer ses compétences. Cela s’acquiert par la pratique, par le désir de s’améliorer et par le respect de votre public. Tout cela vous pousse à leur offrir la meilleure expérience possible. Le Président a donné à la French Tech une expérience formidable hier. Je m’attends à ce qu’il soit encore meilleur la prochaine fois.