VI. Maîtriser son langage émotionnel

Nous appelons « langage émotionnel » les réactions instinctives que nous avons lors d’une présentation. Nos réactions peuvent être positives (lorsque nous avons un retour qui nous semble positif de la part de l’audience), mais elles peuvent également être négatives, lorsqu’on ressent une situation de conflit, de l’agressivité ou de la négativité.

Tout comme lorsque les sportifs de haut niveau, nous sommes moins performants lorsque nous laissons notre instinct décider de notre langage émotionnel. Par exemple, accepter de réagir instinctivement avec colère contre une attaque verbale peut causer une réaction en chaîne incontrôlable. Un bon orateur va donc apprendre à maîtriser son langage émotionnel pour en faire un outil qu’il utilisera en fonction de l’effet qu’il souhaite créer.

1. Rester naturel : découvrir son style

Nous sommes tous différents. C’est vrai pour la prise de parole en public. Certains peuvent raconter des blagues, d’autres ne doivent même pas y penser. Certains d’entre nous sont calmes, d’autres sont animés. Cela n’a pas d’importance. Si nous restons authentiques, que nous ne trahissons pas qui nous sommes, nous pouvons tous être de bons présentateurs, chacun avec notre propre style.

Si vous êtes extraverti, utilisez votre capacité à établir une connexion. Si vous êtes plutôt introverti, utilisez votre capacité à faire preuve de sagesse. Mais si vous essayez de devenir quelqu’un d’autre, vous perdrez toute crédibilité.

Exercice : prenez le temps de réfléchir à ce qui fonctionne pour vous et ce qui ne fonctionne pas. Prenez le temps de définir votre style.

2. Faire face à une audience négative

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une personne ou une audience peut avoir une attitude négative :

  • Intérêt personnel divergent : la personne a un ami qui travaille pour un concurrent et ne veut pas vous voir gagner un appel d’offres.
  • Problèmes personnels : la personne a des problèmes personnels qui l’empêchent de voir les choses positivement.
  • Peur de perdre la face : peur du changement et d’être responsable d’un échec si le nouveau choix n’est pas le bon. Peur du ridicule.
  • Peur de pensée divergente : un dicton dit que les investisseurs préfèrent avoir tort ensemble que raison seuls. Il est beaucoup plus simple de se conformer à l’avis du groupe que d’aller contre lui.
  • Jeu : la personne joue un jeu, un personnage pour déstabiliser le présentateur. C’est un cas fréquent lors de négociations.
  • Pure méchanceté : malheureusement, cela existe.

Heureusement, il existe des techniques pour atténuer, contourner, voire éliminer ces blocages.

La stratégie globale consiste à :

  • Renforcer nos alliés : leur donner les arguments nécessaires pour les rassurer et les faire briller.
  • Rallier les indécis : ceux-ci se rallieront à vos alliés s’ils sentent la balance pencher en leur faveur. Au pire, ils resteront neutres.
  • Désarmer les opposants : faire en sorte que les arguments des opposants n’aient pas de valeur. Éviter le conflit direct.

La posture mentale de départ à adopter est de comprendre ce sur quoi nous pouvons réellement agir et ce sur quoi nous n’avons pas de contrôle direct. Nous allons nous focaliser uniquement sur ce que nous pouvons réellement agir directement.

Par exemple, si une personne a une attitude agressive, le langage émotionnel que nous allons utiliser instinctivement est de fuir, se battre ou « faire le mort ». Nous allons réagir de manière spontanée, soit en :

  • Essayant de nous justifier, ce qui va donner plus de poids à l’argument de l’adversaire.
  • Contre-attaquant, ce qui va créer la situation de conflit voulue par votre opposant.
  • Renonçant, ce qui va créer une impression négative.

Si par contre nous utilisons le langage émotionnel à notre avantage, en nous focalisons sur ce que nous pouvons faire, nous allons rester constructif et de bonne volonté face à l’attaque, et notre opposant n’aura pas de prise. Au lieu de prendre l’avantage, il passera pour la personne qui veut « saboter » la présentation.

Par exemple une personne de l’audience nous invective : « Votre campagne n’est vraiment pas aboutie, je ne pense pas que cela corresponde à ce que nous recherchons. »

En nous focalisant sur ce que nous pouvons faire, nous restons rationnels et nous empêchons notre instinct (peur, agressivité) de prendre le dessus.

Nous pouvons commencer par rechercher le pourquoi de l’intervention négative. Est-ce une simple question que nous interprétons comme étant agressive ? Est-ce une tentative de nous mettre en difficulté ? Cela nous permet déjà de choisir consciemment dans notre catalogue de langage émotionnel le type de réponse appropriée. Par exemple :

  • Si l’objectif est de nous faire perdre notre calme, nous choisissons de rester calme.
  • Si l’objectif est de nous faire peur, nous montrons que nous n’avons pas peur.
  • Si l’objectif est de nous faire tomber dans un piège, nous choisissons de faire un pas de côté.
  • Et dans bien des cas, il n’y a en réalité pas de piège, c’est notre cerveau instinctif qui, face au stress, va sur-interpréter les intentions de d’audience.

Ensuite, nous essayons de comprendre quel est le « point central » de la question. Dans notre exemple, il n’y a aucun élément factuel, uniquement des jugements de valeur.

Enfin, nous faisons notre réponse constructive. Si nous nous rendons compte qu’il s’agit d’une tentative de déstabilisation, mais sans réel argument :

  • Nous pouvons demander plus de précisions sur ce que la personne aimerait changer ; nous n’hésitons pas à creuser jusqu’à ce que la personne s’arrête, car elle n’a pas de réel argument. La personne finira par avoir peur de perdre la face et s’arrêtera avec une formule du type « oui, enfin, je dis ça comme ça, mais sinon c’est bien ».
  • Rappeler les points forts de ce que nous proposons. « Nous sommes convaincus que cette campagne répond exactement à votre besoin. Nos analyses montrent en effet qu’elle améliore de 3 points l’image de marque, ce qui est l’élément le plus important pour vous. » Nous renforçons la position de nos alliés pour désarmer l’adversaire.

Dans tous les cas, n’ayez pas l’objectif final en tête (par exemple « nous devons gagner cet appel d’offres » est un objectif non immédiat, sans possibilité d’agir directement dessus, donc générateur de stress et d’anxiété), mais plutôt sur le mouvement suivant qui vous permettra d’avancer (par exemple « j’ai les arguments pour contrecarrer mon opposant, je les déploie pour pouvoir avancer au point suivant »).

Préparer une liste de questions difficiles, les poser à l’orateur qui va s’entraîner à jouer avec les questions.

3. Stress : comment vaincre la peur

La peur de la prise de parole en public vient d’une réponse physiologique instinctive : la perception du danger. Nos sens déclenchent les signaux d’alerte, et notre cerveau perçoit les mêmes signaux que si nous allions être mangés par un prédateur : il appuie sur le bouton « panique » et notre stress explose. Tout le monde ressent du stress lors d’une présentation en public, mais certains d’entre nous savent comment le gérer. Nous allons voir maintenant comment gérer ce stress.

Nous sommes programmés pour protéger deux choses : notre intégrité physique (corps) et notre intégrité mentale (ego). Face au danger, nous avons trois stratégies primaires :

  • Nous battre : le présentateur devient trop agressif et assertif.
  • Fuir : le présentateur parle très vite, et marche nerveusement d’un bout à l’autre de la scène.
  • Faire le mort : le présentateur qui parle très lentement et qui est à peine audible.

Le premier pas pour vaincre notre peur est de réaliser que ces peurs sont en grande partie purement imaginaires. Il n’y a pas de tigre prêt à nous dévorer. Personne ne va nous exécuter si nous échouons. Sauf si nous faisons face à une foule en colère, notre intégrité physique ne risque rien ; cela retire déjà la moitié du danger.

Lorsque nous prenons la parole en public, nos peurs viennent de notre désir de protéger notre ego. Ces peurs sont principalement la peur de l’échec et la peur du jugement. Un échec ou un jugement négatif va menacer notre ego, l’image que nous avons construite de nous-mêmes au fil du temps.

Cela nous donne la solution pour gérer notre stress : nous devons apprendre non pas à nous focaliser sur la préservation de notre ego et sur ce qui pourrait se passer si nous échouons, mais plutôt à nous concentrer sur notre auditoire et à être présents, ici et maintenant. Il existe différentes techniques pour y parvenir. Elles peuvent fonctionner ou non, en fonction de la nature de vos peurs et de votre personnalité :

  • Utiliser des techniques de respiration et de méditation, pour rester concentrer sur notre auditoire et sur le présent. Cependant, certaines personnes trouvent cela plus stressant que relaxant.
  • Garder son esprit dans l’instant présent : parler avec d’autres personnes, trouver quelque chose pour garder nos pensées dans l’instant présent.
  • Se focaliser sur ce que l’on peut faire maintenant, sur ce sur quoi on a un contrôle et une influence directe. L’objectif est de ne jamais laisser notre esprit vagabonder, aller dans le « terrier du lapin », là où notre esprit est libre d’imaginer des scénarios catastrophes imaginaires.
  • Établir une connexion avec l’auditoire avant notre présentation, pour nous faire des alliés dans l’auditoire. Si possible, nous pouvons amener des personnes en qui nous avons confiance dans l’auditoire. Cela aide à réduire la peur du jugement.
  • La préparation est essentielle. La prise de parole en public est le seul sport où on pense pouvoir gagner sans s’entraîner.

Nous ne pouvons pas nous débarrasser du vertige en allant grimper l’Everest, parce que nous nous arrêterons à la première difficulté. Si notre peur de la prise de parole est particulièrement forte, nous recommandons de s’entraîner progressivement et régulièrement. Au fil du temps, vous allez acquérir la confiance nécessaire et trouver les mécanismes pour gérer votre peur de la prise de parole en public.